CHRONIQUES SUR LE DEUIL

''Juste'' une fausse couche

Nous y sommes. Ensemble, nous avons choisi d'être parents. Depuis, nous demeurons attentifs aux moindres indices annonçant la grossesse. Nous partageons nos impressions, tant sur les changements subtiles du corps que de l'humeur.  Et cette fois, ça y est, le test de grossesse le confirme. Nous allons avoir un bébé! 

Nous sommes émus et fébriles, portés par l'amour de cette bonne nouvelle. Rapidement, nous calculons et nous rêvassons: à la date approximative de l'accouchement; au moment et à la manière d'en faire l'annonce à nos proches; au bébé qui changera nos vies... Ce projet, encore invisible aux yeux des autres, amorce déjà des changements. Déjà, nous nous percevons comme un père, une mère. Déjà, nous aimons cet enfant. Déjà, nous sommes une famille.

Et puis, le rêve se casse. Les saignements ne laissent place à aucun doute. C'est une fausse couche. C'est ''juste'' une fausse couche, essayerons-nous de nous dire. C'est normal et pas si rare que ça. Nous pourrons même nous convaincre que la nature faisant bien les choses, c'est peut-être mieux ainsi. Que nous pourrons nous reprendre. Nos raisonnements s'additionnent et se répètent... Comme pour chasser la peine qui se fait persistante.

Nous banalisons souvent l'expérience de cette perte, en nous disant qu'il y a pire que ça. Nous pouvons être portés à nous censurer ou à nous juger dans nos réactions, ayant l'impression de réagir fort pour si peu... Alors que bien qu'on parle d'une fausse couche, il s'agit d'un vrai deuil. Celui de ne pas mener à terme cette grossesse, de renoncer à la joie d'accueillir ce bébé et de voir s'évanouir un amour déjà très présent et réel. Dans nos cœurs de parents, l'excitation laisse place à la déception et les rêves se transforment en doutes... Pas si banal finalement comme expérience.

Mélissa Raymond
Travailleuse sociale

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Mélissa Raymond
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Mélissa Raymond

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